C’est d’abord par des poèmes en vers libres qu’Henri Fournier manifeste à partir de l’été 1904 – il a dix-sept ans – son désir de devenir écrivain. Quelques-uns de ces premiers écrits – vers et proses – ont été publiés de son vivant dans diverses revues, la plupart des autres en 1924, chez Gallimard, sous le titre Miracles. Mais dès le 13 août 1905, au cours de son séjour à Londres, il déclare, dans une lettre à son ami Jacques Rivière, former un autre projet, celui d’être romancier, à la manière de Dickens. Et sans doute peut-on dater de cette époque les toutes premières ébauches du Grand Meaulnes.
Recueillis et classés méthodiquement par sa sœur Isabelle Rivière, les brouillons du roman ont été, avec tous les autres manuscrits de l’auteur, donnés en 2000 par Alain Rivière à la Ville de Bourges et ils sont aujourd’hui conservés à la Bibliothèque municipale de cette ville.
Ils avaient été publiés intégralement en 1986 dans la collection des « Classiques Garnier », formant la dernière partie du volume à couverture jaune, intitulé : ALAIN-FOURNIER. Le Grand Meaulnes, Miracles, précédé de Alain-Fournier par Jacques Rivière, sous le titre « Dossier du Grand Meaulnes ». Cet ouvrage est épuisé depuis bien des années, mais le dossier des brouillons vient d’être reproduit dans le Bulletin des amis de Jacques Rivière et d’Alain-Fournier .
Avant que le roman n’atteigne à la forme définitive au début de 1913, Alain-Fournier est passé par maints tâtonnements au cours des huit années précédentes. Ses manuscrits en témoignent, composés de notes rapides jetées sur le papier, de plans, de fragments de journal ou de lettres, d’ébauches, de reprises : 226 feuillets peuvent être réellement qualifiés de « brouillons du roman ».
Précisons que le manuscrit « définitif » du Grand Meaulnes – celui dont l’auteur du roman avait remis des fragments successifs en décembre 1912 et dans les premiers mois de 1913 à Georges Gilbert, le pharmacien d’Auteuil ami de Gide, dactylographe à ses heures – n’est pas parvenu jusqu’à nous. Selon le récit d’Isabelle Rivière à son fils , Alain-Fournier l’aurait vendu à « un riche Américain du sud » – peut-être Pedro Antonio de Aguilera, l’ancien condisciple panaméen de Lakanal ? – pour un montant de 50 F.
Rappelons que le roman parut d’abord dans La Nouvelle Revue Française sur les cinq numéros publiés de juillet à novembre 1913 : la Bibliothèque de Bourges conserve un jeu d’épreuves corrigées par Alain-Fournier pour le troisième numéro (n° 57 du 1er septembre 1913).