« Je ne demande ni prix ni argent, mais je voudrais que Le Grand Meaulnes fût lu. »
Lettre d’Alain-Fournier à Jacques Rivière, 2 mai 1913
Il semble que personne n’ait jamais pu déterminer le nombre exact d’éditions du roman publié en 1913 par Émile-Paul, surtout après sa reprise par Fayard en 1967, encore moins le nombre d’exemplaires imprimés et vendus en France et dans le monde ; les éditeurs tiennent bien sûr des statistiques précises, mais ne souhaitent guère en faire état, même aux ayants droit. Depuis sa sortie dans la collection du « Livre de poche » en 1971 (n° 1000), on cite souvent le chiffre de cinq millions de volumes vendus rien qu’en France durant les trente années suivantes. Mais on ne tient sans doute pas compte de nombre d’éditions plus ou moins pirates, ni de celles réalisées dans les pays francophones, notamment au Canada.
Par ailleurs, l’audience internationale du Grand Meaulnes a été rapidement immense, tant en Europe qu’en Amérique du Nord, avec au moins six traductions successives en anglais : The Wanderer en 1928, Big Meaulnes en 1933, The Lost Domain en 1959, Le Grand Meaulnes en 1966 puis en 1968 – l’édition scolaire présentée par Robert Gibson, devenu depuis 1953 le spécialiste incontesté d’Alain-Fournier, The Wanderer or The End of Youth (1971), The Lost Estate (Penguin, 2007).
Ajoutons deux ou trois éditions en allemand – Der Grosse Kamerad, Der Grosse Freund –, en espagnol – El Gran Meaulnes à Barcelone – , en italien – six éditions de 1933 à 1968 : Robert Gianonni s’en était fait l’écho en écrivant La fortune littéraire d’Alain Fournier en Italie – , en hongrois, en néerlandais (1932 et 1950), en polonais – au moins trois de 1938 à 1958 –, en portugais (au Brésil), en serbo-croate, en suédois, en roumain : Cararea perduta, en russe, en tchèque, etc. ; on peut même citer une traduction en breton à Brest. Bien au-delà de l’Occident, sont parues des éditions en arabe, en chinois, en japonais – cinq traductions de 1933 à 1973 – en coréen, et dans plusieurs autres langues sans doute dont nous n’avons pas connaissance.
On peut donc estimer que toutes ces publications ont concerné plusieurs dizaines de millions de lecteurs à travers le monde depuis près d’un siècle. Sans parler des spectacles, des deux films d’Albicocco et de Verhaeghe – et peut-être d’autres adaptations cinématographiques ou télévisuelles ignorées de nous – qui ont attiré presque autant de spectateurs : le vœu d’Alain-Fournier a été universellement exaucé.
Selon un sondage réalisé par le CSA en novembre 1999 pour Le Parisien-Aujourd’hui, Le Grand Meaulnes fait partie des dix œuvres littéraires qui ont marqué le XXe siècle, avec Le petit prince d’Antoine de Saint-Exupéry, Le vieil homme et la mer d’Ernest Hemingway et L’étranger d’Albert Camus.